La Vie de Van Gogh à Auvers sur Oise durant la courte période où il vécut à Auvers sur Oise avant sont suicide.
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La vie de VAN GOGH à Auvers sur Oise.
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Le docteur Gachet, il se montrait « fou de peinture » — et adorateur des artistes. Sa maison était un véritable musée bondé de toiles et de dessins des peintres nouveaux: Courbet, Cézanne, Renoir, Pissarro, Guillaumin, Sisley, etc.
Nous avons déjà nommé Léon Dierx, le poète parnassien, si détaché du « mouvement » que, d'accord avec les bourgeois, il méprisait Rodin. Que de fois, au café Victor, boulevard des Batignolles, où il vint, aigre, morose, sur la fin de sa vie, déguster interminablement sa tasse de café, que de fois nous nous injuriâmes à ce sujet. Il n'admirait que la sculpture de Phidias, qu'il n'avait jamais vue ; et, seule, la cuisine pouvait le rapprocher de Cordey et de Renoir.
De temps en temps, apparaissait aussi aux bords de l'Oise Paul Alexis, le disciple de Zola, qui, sous le pseudonyme de Trublot, écrivait, dans le Cri du Peuple, de fantaisistes chroniques sur Auvers et ses plus notoires habitants. Puis, roulait le gras, l'imposant Hoschedé, que nous connûmes au Tambourin; et qui, après des repas pantagruéliques, embrassa la sèche et laide Mort en la fatale année 1891. Ensuite, voici Eugène Meunier, dit Murer, qui resterait la plus considérable illustration d'Auvers si le docteur Gachet n'avait pas existé.
Murer fut élevé à la pension Chevalier, à Moulins, avec Guillaumin.
Il se plaça d'abord garçon pâtissier à Troyes, puis à Paris. Il était hanté de gloire littéraire. Tout en accomplissant son service de gâte-crème, il écrivait, faisant des extras le soir pour avoir des jours libres. Il gagnait ainsi en deux ou trois jours toute sa semaine.
A Paris, il tomba chez un pâtissier nommé Gru, 8, faubourg Montmartre, qui écrivait aussi. Le patron et le garçon tinrent alors d'interminables discussions autour des babas et des meringues ; car Gru venait de publier ; Les morts violentes.
Puis Murer s'installa à son compte boulevard Voltaire. Il était encore très jeune ; mais il se révélait actif et retors. Vint la guerre de 1870 ; il fit fortune dans des fournitures de pâtés.
Vers 1875, Guillaumin le retrouva . Il lui parla peinture; il le lança sur les Impressionnistes. Et Murer s'exalta; il devint très vite un apôtre de la peinture nouvelle. C'était un homme très maigre, anguleux. Il prit tout à coup une humeur sombre, affecta l'impassibilité, nourrit des idées bizarres, joua l'homme fatal et le beau ténébreux. Il continua, à Auvers, où il s'était retiré, de recevoir ses visiteurs du boulevard Voltaire : Renoir, Lestringuès, Bresdin, Monet, Pissarro, Sisley, Guillaumin, Hoschedé, le docteur Gachet et ce bon Cabaner, qui, poète, philosophe, se croyait surtout un extraordinaire musicien.
Plus tard, Murer eut une autre cour de plus jeunes peintres et de plus jeunes littérateurs et journalistes. C'est qu'il tenait à sa gloriole, et que, très vaniteux, il recevait tout de suite à sa table qui le louait. Il publia plusieurs livres : Les Bâtards; Les Fils du siècle; Pauline Lavinia et La mère Nom de Dieu! C'était, cette dernière, une vieille femme forte en gueule qui vendait, au marché de Pontoise, des pantalons, avec des cris comme celui-ci : « Tiens, toi, le Frisé, achète-moi ce culbutant. C'est du velours, tu péteras dedans, nom de Dieu! » et toujours les Nom de Dieu! ponctuaient ses cris. Murer fut transporté; il lui consacra un livre. Il en fit bien un autre sur la Brûleuse. Celle-là, dit la légende, flambait tous les chaumes du pays, pour tâcher de brûler vif son père (qui était pompier) dans l'incendie. Mais un cantonnier de là-bas m'a affirmé, de son côté, que c'était exactement pour voir, en uniforme de pompier, l'homme qu'elle aimait.
Tout en habitant à Auvers, Murer gardait un atelier à Paris, vis-à-vis du bal Tabarin, dans une de ces petites maisons basses où logèrent aussi Degas et Michel, le marchand de châssis. Des immeubles dits de rapport ont remplacé aujourd'hui ces maisons.
Murer, peintre, organisa plusieurs expositions de ses oeuvres; la plus mémorable fut dans son atelier. Pour endiguer la foule des visiteurs, on avait placé un agent à la porte. Il ne vint que Cordey, qui, s'étant trompé de jour (Murer lui prêtait son atelier), accrocha ses propres tableaux pour les montrer à ses amateurs.
Murer attendit toute sa vie la croix : mais il reçut les palmes académiques à une distribution de prix à Enghien. Il monta sur l'estrade ; et Marty, le sous- préfet de Pontoise, lui donna, devant les enfants ahuris, l'accolade. On couronna le tout, bien entendu, par un magnifique banquet chez Genlis, à Pontoise, — banquet payé par Murer; et là, le sous-préfet Marty et le député Cornudet prononcèrent d'éloquentes et larmoyantes paroles. Murer mourut à Auvers-sur-Oise le 22 avril 1906 (il était né en 1846); — et sa tombe, au cimetière, porte, en attendant son médaillon, ces mots simples et définitifs : Hic Jacet Murer, ouvrier, littérateur, peintre.
J'ai parlé un peu longuement peut-être de ce pâtissier; mais il convient de dire qu'il acheta des tableaux de Renoir, de Cézanne, de Sisley, de Pissarro, etc.,
— et que, par lui, Vincent Van Gogh est entré au musée du Louvre (un tableau de fleurs qu'il vendit à Camondo); et, enfin, Auvers sans Murer ne serait pas, pour les initiés, tout à fait Auvers.
Et, pourtant, la vraie figure à esquisser ici — je l'ai conservée exprès pour la fin, — c'est la figure du docteur Gachet.
Celle-là domine tout Auvers. Le docteur Gachet!
Ah! Qui ne se souvient de ce vieillard singulier, maigre, de taille moyenne que l'âge avait un peu voûtée. Il était né en 1828, à Lille. Il avait perdu sa femme en 1875. Ses enfants, un fils, Paul, et une fille, Clémentine, étaient élevés par une gouvernante, Madame Chevalier.
Il habitait à Auvers, rue des Vessenots, une grande maison carrée, sur le coteau, qui avait servi autrefois de pension de famille. Devant la maison s'étalait un jardin en terrasse; et, derrière, une cour contenait une troupe de chats, de poules, une vieille paonne et une chèvre qu'on appelait Henriette.
En hiver, le docteur Gachet (le docteur Safran, comme le surnommait Goeneutte, à cause de ses cheveux violemment jaunes), portait de hautes bottes qui lui venaient au-dessus des genoux, une petite fourrure de martre (tête et pattes) autour du cou, une redingote et un bonnet de fourrure.
En été, tout cela se remplaçait par un vaste chapeau aux bords ballants, une ombrelle blanche doublée de vert, une redingote en alpaga et des bottines à élastiques.
Chez lui, enfin, une large robe de chambre l'enfouissait.
Après avoir été externe des hôpitaux de Paris, Paul Gachet s'était fait recevoir, par amour pour Rabelais, docteur de la faculté de Montpellier; et, tout de suite, encyclopédiste et éclectique, il s'était consacré, tour à tour, au ,traitement des maladies mentales et nerveuses (il fut l'élève des docteurs Luys et Falret); aux maladies des femmes et des enfants ; aux maladies des voies urinaires (il fut un des premiers à leur appliquer le traitement électrique), enfin aux maladies du coeur.
Toujours inquiet, préoccupé de toutes les méthodes scientifiques, les creusant et les discutant, il s'était un beau jour initié à la doctrine de Frédéric Hahnemann (fondateur de l'école homéopathique), justement parce que la science officielle la combattait. Par la suite, il devint un homéopathe convaincu.
En 1879, il fut nommé médecin adjoint de la Compagnie du Nord. Officiellement, il ne devait donc plus exercer à Auvers ; mais son inépuisable charité et sa passion de dévouement lui firent souvent transgresser cette règle. A Paris, au N°78, du faubourg Saint-Denis, il dirigeait, depuis 1862, une clinique de médecine générale.
Toutefois, ce qui originalisait surtout le docteur Gachet, c'est que, comme Hokousaï, il se montrait « fou de peinture » — et adorateur des artistes. Sa maison était un véritable musée bondé de toiles et de dessins des peintres nouveaux : Courbet, Cézanne, Renoir, Pissarro, Guillaumin, Sisley, etc.
Il avait, auparavant, attiré chez lui et connu intimement Daumier, Courbet, Méryon, Manet et Daubigny; — et il recevait de même Cézanne, Renoir, Pissarro et Guillaumin.
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VINCENT VAN GOGH par GUSTAVE COQUIOT - Librairie OLLENDORFF PARIS - 1923
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