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Les lettres de Vincent Van Gogh à Emile Bernard dans le Mercure de France.

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Lettres de Vincent Van Gogh Lettres de Van Gogh descriptions

Lettres publiées dans le "Mercure de France" 1893 - 1894 - 1895

Lettres de Vincent Van Gogh à Emile Bernard, celles-ci sont probablement la première publication de ces lettres au public, dans la célèbre revue "Mercure de France" de 1893-1894-1895.

 

EXTRAITS  DES  LETTRES
DE  VINCENT  VAN  GOGH  A  EMILE  BERNARD
(1887-1888-1889-1890)


1888

 

LETTRE XI

 

Mon cher Bernard,

Tu fais très bien de lire la Bible. Je commence par là, parce que je me suis toujours abstenu de te recommander cela. Involontairement, en lisant les citations multiples de Moïse, de Saint Luc, tiens, me dis-je, il ne lui manquait plus que cela, ça y est maintenant en plein... la névrose artistique.
Car l'étude du Christ la donne inévitablement, surtout dans mon cas où c'est compliqué par le culottage de pipes innombrables.
La Bible, c'est le Christ, car l'Ancien Testament tend vers ce sommet. Saint Paul et les Evangélistes occupent l'autre pente de la montagne sacrée.
Que c'est petit, cette histoire ! Mon Dieu, voilà. Il n'y a donc que ces Juifs au monde, qui commencent par déclarer tout ce qui n'est pas eux impur.
Les autres peuples sous le grand soleil de là-bas, les Egyptiens, les Indiens, les Ethiopiens. Babylone, Ninive, que n'ont-ils leurs annales écrites avec le même soin ! Enfin, l'étude de cela c'est beau, et enfin savoir tout lire équivaudrait à ne pas savoir lire du tout.
Mais la consolation de cette Bible si attristante qui soulève notre désespoir et notre indignation — nous navre pour de bon, tout outré par sa petitesse et sa folie contagieuse — la consolation qu'elle contient, comme un noyau dans une écorce dure, une pulpe amère, c'est le Christ.
La figure du Christ n'a été peinte comme je la sens que par Delacroix et par Rembrandt... et puis Millet a peint... la doctrine du Christ.
Le reste me fait un peu sourire, le reste de la peinture religieuse — au point de vue religieux, non pas au point de vue de la peinture. Et les primitifs italiens — Botticelli, disons les primitifs flamands, Van Eyck, allemands, Cranach, ce ne sont que des païens qui ne m'intéressent qu'au même titre que les Grecs, que Velasquez et que tant d'autres naturalistes.
Le Christ seul — entre tous les philosophes, magiciens, etc., — a affirmé comme certitude principale la vie éternelle, l'infini du temps, le néant de la mort, la nécessité et la raison d'être de la sérénité et du dévouement. Il a vécu sereinement; en artiste plus grand que tous les artistes, dédaignant et le marbre et l'argile et la couleur, travaillant en chair vivante.
C'est-à-dire que cet artiste inouï et à peine concevable, avec l'instrument obtus de nos cerveaux modernes nerveux et abrutis ne faisait pas de statues, ni de tableaux, ni de livres ; il l'affirme hautement, il faisait... des hommes vivants, des immortels.
C'est grave ça, surtout parce que c'est la vérité.
Ce grand artiste n'a pas non plus fait de livres ; la littérature chrétienne, certes, dans son ensemble, l'indignerait, et bien rares sont dans celle-là les produits littéraires qui, à côté de l'Evangile de Luc, des épîtres de Paul — si simples dans leur forme dure et guerrière — puissent trouver grâce. Ce grand artiste — le Christ — s'il dédaignait d'écrire des livres sur les idées (sensations), a certes bien moins dédaigné la parole parlée — la Parabole surtout. (Quel semeur, quelle moisson, quel figuier ! etc.).
Et qui nous oserait dire qu'il en ait menti le jour où, prédisant avec mépris la chute des constructions romaines, il affirma : « Quand bien même ciel et terre passeraient, mes paroles ne passeront point ».
Ces paroles parlées — qu'en grand seigneur prodigue il ne daignait même pas écrire, sont un des plus hauts — le plus haut — sommets atteints par l'art qui y devient force créatrice, puissance créatrice pure.
Ces considérations, mon cher copain Bernard, nous mènent bien loin, bien loin ; nous élevant au-dessus de l'art même. Elles nous font entrevoir l'art de faire la vie, l'art d'être immortel vivant.
Elles ont des rapports avec la peinture.
Le patron des peintres — Saint Luc, médecin, peintre, évangéliste — qui a pour symbole, hélas ! Rien que le bœuf, est là pour nous donner l'espérance.
Pourtant notre vie propre et vraie est bien humble celle de nous autres peintres végétant sous le joug abrutissant des difficultés d'un métier presque pas praticable sur cette si ingrate planète, à la surface de laquelle « l'amour de l'art fait perdre l'amour vrai ».
Puisque pourtant rien ne s'y oppose — en supposant que dans les autres innombrables planètes et soleils il y ait également et des lignes et des formes et des couleurs — il nous  demeure loisible de garder une sérénité relative quant aux possibilités de faire de la peinture dans des conditions supérieures dans une autre existence, par un phénomène peut-être pas plus malin et pas plus surprenant que la transformation de la chenille en papillon, du ver blanc en hanneton.
Laquelle existence de peintre-papillon aurait pour champ d'action un des innombrables astres qui, après la mort, ne nous seraient peut-être pas davantage inaccessibles que les points noirs qui sur la carte géographique nous symbolisent villes et villages ne nous le sont dans notre vie terrestre.
La science — le raisonnement scientifique — me parait être un instrument qui ira bien loin dans la suite.
Car voici : on a supposé la terre plate. C'était vrai ; elle l'est encore aujourd'hui, de Paris à Asnières, par exemple.
Seulement n'empêche que la science prouve que la terre est surtout ronde. Ce qu'actuellement personne ne conteste.
Or, actuellement, on en est encore, malgré ça, à croire que la vie est plate et va de la naissance à la mort.
Seulement, elle aussi, la vie, est probablement ronde, et très supérieure en étendue et capacité à l'hémisphère qui nous est à présent connu.
Des générations futures, il est probable, nous éclairciront sur ce sujet si intéressant ; et alors la Science elle-même pour rait — ne lui déplaise — arriver à des conclusions plus ou moins parallèles aux dictions du Christ, relatives à l'autre moitié de l'existence.
Quoiqu'il en soit, le fait est que nous sommes des peintres dans la vie réelle et qu'il s'agit de souffler de son souffle tant qu'on a le souffle.
Ah ! Le beau tableau d'Eugène Delacroix : La Barque du Christ sur la mer (sic) de Génésareth. Lui avec son auréole d'un pâle citron — dormant lumineux dans la tache de violet dramatique, de bleu sombre, de rouge sang du groupe des disciples ahuris — sur la terrible mer d'émeraude montant, montant jusque tout en haut du cadre. Ah, la géniale exquise ! Je te ferais des croquis si ce n'était qu'ayant dessiné et peint depuis trois ou quatre jours avec un modèle — un zouave — je n'en peux plus ; au contraire cela me repose et me distrait d'écrire.
C'est très laid ce que j'ai foutu : un dessin du zouave assis, une esquisse peinte du zouave contre un mur tout blanc, et enfin son portrait contre une porte verte et quelques briques oranges d'un mur. C'est dur et enfin laid et mal foutu. Pourtant, puisque c'est de la vraie difficulté attaquée, ça peut aplanir la route dans l'avenir.
La figure que je fais est presque toujours détestable pour mes propres yeux, et les yeux des autres à plus forte raison ; pourtant c'est l'étude de la figure qui fortifie le plus, si on la fait d'une autre façon qu'on nous l'enseigne chez Monsieur Benjamin Constant, par exemple.
Ta lettre m'a bien fait plaisir, le croquis est très, très intéressant, et je t'en remercie bien. Je t'enverrai de ces jours-ci tin dessin, de mon côté ; ce soir je suis trop éreinté, mes yeux sont fatigués si ma cervelle ne l'est pas.
Dis donc, te rappelles-tu du Jean-Baptiste, de Puvis? Moi, je trouve cela épatant et aussi magicien qu'Eugène Delacroix.
Le passage que tu as déniché dans l'Evangile concernant Jean-Baptiste est absolument ce que tu y as vu... Des gens qui se pressent autour de quelqu'un : « Es-tu le Christ? Es-tu Elie? » Comme serait de nos jours de demander à l'Impressionnisme ou à un de ses représentants chercheurs : « As-tu trouvé? ». C'est bien ça.
Mon frère a dans ce moment une exposition de Claude Monet — dix tableaux, faits de février à mai, à Antibes — c'est fort beau, paraît-il.
As-tu lu jamais la vie de Luther ? Car Cranach, Dürer, Holbein, lui appartiennent. C'est lui — sa personnalité, — qui est la haute lumière du Moyen-Age.
Moi, je n'aime pas plus que toi le Roi-Soleil — éteignoir, il me semble, plutôt ce Louis XIV (1) — mon Dieu, quel emmerdeur en tout, cet espèce de Salomon méthodiste. Je n'aime pas non plus Salomon et aussi pas du tout les méthodistes — Salomon me semble un paiement hypocrite, je n'ai vraiment, pas de respect pour son architecture, imitation d'autres styles et pas du tout pour ses écrits, car les païens ont mieux fait.
Dis-moi un peu où tu en es pour ce qui regarde ton service militaire. Faut-il, oui ou non, parler à ce sous-lieutenant zouave? Va-tu en Afrique ou pas ? Surtout cherche à te faire du sang ; avec l'anémie on n'avance guère, la peinture va lentement ; faudrait tâcher de te faire un tempérament dur à cuire, tempérament à vivre vieux, faudrait vivre comme un moine qui va au b... une fois par quinzaine — cela je le fais, c'est pas très poétique, mais enfin je sens que mon devoir est de subordonner ma vie à la peinture.
Si j'étais au Louvre avec toi, je voudrais bien voir les primitifs en ta société.
Au Louvre, moi je vais toujours, encore, avec grand amour aux Hollandais, Rembrandt en tête. Rembrandt que j'ai tant étudié autrefois — puis Potter, par exemple, qui vous fait sur un panneau de quatre ou de six, un étalon blanc seul dans une prairie — un étalon qui hennit et bande — désolé sous un ciel gros d'orage, navré dans l'immensité vert-tendre d'une prairie humide. Enfin il y a des merveilles dans les vieux hollandais n'ayant aucun rapport avec n'importe quoi.

Poignée de main, et encore une fois merci de ta lettre et de ton croquis.

P.-S. — Les sonnets vont bien, c'est-à-dire : la couleur en est belle, le dessin est moins fort plutôt moins sûr, le dessin en hésite encore — je ne sais pas comment dire — le but moral n'en est pas clair.

Vincent Van Gogh

(1)  « Luther, la plus grande lumière du Moyen-Age, Louis XIV, éteignoir », autant d'idées que je ne partage pas, malgré ma grande amitié pour Vincent         (Note d'E. Bernard).

 

Extrait de la revue "Mercure de France" 1893

 

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