Le père Tanguy tenait, rue de Clausel, une petite boutique, où il vendait des toiles et des objets nécessaires aux peintres.

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Le père Tanguy et Van Gogh.

Le père Tanguy et Vincent Van Gogh, en 1870, au moment de la guerre, celui qui devait devenir le père Tanguy tenait, rue de Clausel, une petite boutique, où il vendait des toiles et des objets nécessaires aux peintres.

Le père Tanguy et Van Gogh.

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Le père Tanguy et Van Gogh.

 

En 1870, au moment de la guerre, celui qui devait devenir le père Tanguy tenait, rue Clausel, une petite boutique, où il vendait des toiles, des couleurs et des objets nécessaires aux peintres. Son établissement sans frais lui permettait de les offrir à prix doux. Il avait donc trouvé des clients parmi les artistes peu fortunés, des débutants, des méconnus, et ceux ci avaient commencé, à valoir sur le prix des fournitures qu'ils lui prenaient, à lui remettre en dépôt des tableaux, qu'il s'efforçait de vendre. Il était entré, comme tout le monde, dans la garde nationale, pendant le siège de Paris. Après, la Commune était survenue, et alors qu'à partir de ce moment le plus grand nombre des gardes nationaux avaient refusé le service, il s'y était au contraire absolument dévoué. Ses ardentes convictions républicaines le faisaient adhérer à la Commune. Il avait combattu contre les Versaillais pendant la bataille des rues et finalement avait été pris et envoyé à Satory, avec les autres fédérés prisonniers.

Le Conseil de guerre l'attendait. Les présomptions étaient serait compris parmi les condamnès, et transporté à la Nouvelle-Calédonie. Les artistes, ses clients, signèrent une pétition pour le recommander à la clémence. La recommandation des artistes n'était guère de nature à lui amener les juges, des officiers, lorsque Henri Rouart, le collectionneur, qui avait eu en cette qualité des relations suivies avec lui, pour des achats de tableaux, s'entremit en sa faveur. Rouart, riche, grand industriel, d'opinions conservatrices, influencer les officiers, comme ayant été lui-même au début officier d'artillerie. Il avait conservé d'intimes relations dans l'armée avec ses anciens camarades et c'est à son intervention auprès d'eux que Tanguy dut, on peut le croire, d'éviter la transportation et de rentrer dans sa boutique. Mais sa situation resta précaire et difficile, car il eut à supporter, comme « communard », la haine, la persécution soufflées par l'esprit de réaction, tout puissant pendant des années.

Il dut en grande partie à Pissarro de pouvoir se tirer du mauvais pas. Pissarro, sans s'occuper de politique, était ce qu'on appelait alors un homme « d'idées avancées »? Tanguy était son fournisseur et lorsqu'il le vit, pour avoir adhéré à la Commune, tombé dans une situation précaire, il voulut lui venir en aide. Il lui remit donc de ses tableaux à vendre, ce qui était un avantage, car déjà ils trouvaient des acheteurs. Il lui amena ensuite Cézanne. Il est vrai qu'à cette époque les tableaux de Cézanne étaient méprisés et ce n'est qu'à de très bas prix que Tanguy parvint jamais à en vendre. Mais Cézanne, par le caractère à part de son art, avait du moins recruté un certain nombre d'admirateurs, qui vinrent chez Tanguy lorsqu'on put y voir de ses œuvres.

Cézanne jouissait d'une pension de son père, qui lui permettait de vivre. Il ne pouvait prétendre, dans ces premières années, à vendre lui-même de sa peinture dédaignée, il n'était d'ailleurs aucunement propre à s'occuper d'affaires, et, une fois en rapports avec Tanguy, il en fit son dépositaire et son factotum pour la vente de ses tableaux. Tanguy en avait donc toujours à montrer dans sa boutique.

Cézanne avait quitté en 1878-79 un appartement qu'il occupait près de la gare Montparnasse. Les meubles enlevés, il avait remis la clef à Tanguy, en lui confiant ses tableaux, qu'il laissait là. Tanguy les avait rangés par piles, selon deux dimensions, avec un prix unique pour les œuvres de chaque dimension, au choix de l'acheteur, cent francs celles de la grande, quarante francs celles de la petite, et il s'efforçait d'amener des visiteurs à l'appartement. S'aventurer au loin, vers la gare Montparnasse, à l'occasion de tableaux de Cézanne, ne pouvait convenir alors à beaucoup de gens : aussi les appels de Tanguy n'avaient-ils guère de succès. Il vint me prendre chez moi, un jour, et nous nous rendîmes à l'appartement. Je vois encore les piles contre la muraille. Il y avait là le travail accumulé de plusieurs années. Aux prix d'aujourd'hui les toiles feraient en vente une somme dépassant le million, mais à cent francs et à qurante francs on pouvait en prendre à volonté, sans se ruiner, et je fis mon choix dans des piles.

Tanguy devenu l'homme de Pissarro et de Cézanne vit lui venir ces jeunes artistes méconnus, qui ne pouvaient trouver nulle part accueil et pour lesquels c'était chose heureuse que d'être chez lui, à côté de peintres ayant déjà recueilli une certaine faveur. Sa boutique reçut donc leurs productions. Elle fut alors visitée par ces amateurs à la recherche d'œuvres à bas prix, communément dédaignées mais auxquelles ils se plaisent à découvrir du mérite et des chances d'avenir. A ces amateurs se joignaient les artistes eux-mêmes, désireux de voir les œuvres les uns des autres, et enfin arrivait aussi ce monde imprécis de jeune gens, d'hommes de lettres ou prétendus tels, qui gravite toujours autour des artistes, quels qu'ils soient. La boutique de Tanguy, devenu avec l'âge le père Tanguy, fréquentée par un noyau d'hommes ayant des aspirations communes, s'éleva dés lors à l'état de centre artistique.

Van Gogh à Paris, aussitôt qu'il eut évolué vers la peinture claire et colorée, vint à la boutique du père Tanguy, attiré par les avantages qu'elle lui offrait. C'était en effet le lieu où il pouvait le mieux voir les œuvres de certains impressionnistes, des jeunes peintres de la couleur et de la lumière, dont les hardiesses, les recherches, les innovations devaient l'aider lui-même dans le changement qu'il entreprenait, et bientôt ce fut aussi le lieu où il put déposer de ses propres œuvres, avec la chance de rencontrer des personnes qui leur prêtassent attention.

Théodore Van Gogh se trouvait bien au boulevard Montmartre, mais ses clients étaient de cette sorte de gens qui, pour rien au monde, n'eussent consenti alors, je ne dis pas à acheter, mais même à recevoir en don les "horreurs", selon eux, que son frère produisait. Il lui était d'ailleurs interdit par ses patrons, les Goupil, de tenir, dans un de leurs magasins, des œuvres considérées par ceux comme monstrueuses et deverondées. Et si Théodore montra jamais des tableaux de son frère au boulevard Montmartre, ce ne fut qu'à la dérobée, à des amis intimes. Autrement, recevant les œuvres de son frère, il devait les empiler dans son appartement ou, celles qu'il voulait produire avec une chance quelconque de vente, les envoyer chez Tanguy.

 

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Extrait de Van Gogh Théodore DURET (Edition définitive) 1924 - Bernheim-Jeune

DURET, Théodore (Saintes, 1838 ~ Paris, 1927)

 

 

Van Gogh et le père Tanguy - Van Gogh et le père Tanguy

(téléchargement d'une vidéo sur AUVERS SUR OISE)

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