Le Moulin-Rouge, qui succédait au Bal de la Reine Blanche, allait être réservé à la glorification du peintre Henri de Toulouse-Lautrec.

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Henri TOULOUSE LAUTREC - 1864-1901

Né à Albi, le 2.4 novembre 1861, Henri de Toulouse-Lautrec, fils du comte Alphonse de Toulouse-Lautrec Monda et de la comtesse, née Adèle Tapié de Celeyran, mourut, le 9 septembre 1901, au château de Malromé, sis dans le département de la Gironde. Elève de l'atelier Cormon, il avait commencé par peindre des tableaux à la manière de John-Lewis Brown. On peut rappeler ce détail, en songeant à ces aboutissants fameux : Le Cirque Fernando et le Quadrille au Moulin-Rouge.

Le peintre Henri TOULOUSE-LAUTREC - (1864-1901).

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Le peintre Henri TOULOUSE-LAUTREC - (1864-1901).

Henri TOULOUSE-LAUTREC, Le Moulin-Rouge, qui succédait au Bal de la Reine Blanche, allait être réservé à la glorification du peintre Henri Toulouse-Lautrec.


« Henri Toulouse-Lautrec ne méprisait pas les idées toutes faites il n'en subissait en aucune façon l'autorité. Mais le dédain qu'il avait pour elles était si peu systématique qu'il lui arrivait très bien d'en adopter une à l'occasion, si elle lui avait semblé justifiée. Les opinions de ce véritable indépendant pouvaient fort bien se rencontrer, par le fait du hasard, avec celles de tout le inonde. C'était parce qu'il suivait son libre chemin, qu'il se trouvait inopinément sur la promenade publique, où il n'était attiré par aucune habitude sociale ni par l'heure de la musique.

« C'était surtout dans le choix de ses plaisirs que se décelait son originalité, c'est-à-dire son indépendance. Nulle part, en effet, le despotisme social n'est si rigoureux que sur le chapitre des distractions. Que les hommes, pour penser, se conforment au règlement général, il importe guère, car ils ne pensent pas énormément. Mais ils ont si peu le droit de s'amuser à leur guise, même de la façon la plus innocente, que nous sommes tout honteux d'un divertissement qui n'est pas sur la liste consacrée, théâtre, courses, diners au restaurant, promenades en automobile, ébats sentimentaux, bridge et visites des musées. Une nuit, après un souper  copieux, j'ai recueilli la confession d'un ami qui, le rouge au front, m'avoua que sa plus chère distraction était de lire le Bottin de l'étranger, et qu'il n'arrivait pas à se coucher le soir, sans avoir noté la population d'un certain nombre de villes d'Amérique et l'altitude de quelques sommets.

« Les collectionneurs sont un objet de dérision pour  ceux qui ne sont pas des collectionneurs.
« Ils ne se réhabilitent qu'à l'hôtel Drouot, quand leur vente atteint un beau total.

« Pour ceux qui choisissent leurs plaisirs en dehors du programme approuvé, nous avons des ternies de mépris tout faits : ce sont des maniaques ou des êtres puérils. J'aime beaucoup, pour ma part, les gens qui font preuve de puérilité, parce que ce mot signifie pour moi ingénuité et liberté.

« Henri Toulouse-Lautrec, lui, s'amusait dans la vie avec la liberté souveraine d'un petit garçon dans un square. Il était notre bout-en-train, tyrannique comme ces organisateurs de huit ans, qui, autour des pelouses, inventent et dirigent des jeux.

« Un jour, il avait l'idée de jouer au barman. Il installait un comptoir dans l'appartement d'un ami, endossait une veste blanche, et, toute la soirée, nous offrait impérieusement des consommations anglaises de son experte fabrication.

« Je vous le dis (termine Tristan-Bernard), ce petit homme était le maitre du bord et ne suivait que sa loi. Si l'on adopte la fameuse définition : l'art est la nature vue à travers un tempérament, on a cette garantie que le tempérament de Toulouse-Lautrec était vraiment libre. »

L'œuvre la moins importante de Toulouse-Lautrec, c'est assurément un enchantement. Dès l'instant qu'il posséda son originalité, personne n'eut une plus rare grandeur de style.

Voici un peintre qui entre, par exemple, dans des maisons closes, et qui peut réaliser des tableaux plus « distingués » que tous ceux que l'on voit ailleurs, autour de soi !  Ce n'est même pas familial, simple, sentimental, comme tout ce qui se passe dans les « Maisons Tellier et Philibert »! C'est quelque chose de plus, de beaucoup plus, — c'est d'une haute noblesse!

Tels de ces tableaux-là ne le cèdent point aux meilleurs Degas. Et encore Degas n'a jamais mis en œuvre cette noblesse d'interprétation dont Toulouse-Lautrec put être, à juste titre, très orgueilleux. Toutes les femmes peintes par Degas sont des créatures simiesques ou batraciennes, aux hideuses faces. Toulouse-Lautrec a vu des femmes encore plus accablées par d'inexorables tâches; niais il s'est chaque fois ressaisi; et toutes ses œuvres, en ce sens, témoignent de sa généreuse pitié.

C'est que Henri Toulouse-Lautrec a beaucoup aimé la vie; et il la recherchait partout, dans la rue, au cirque, dans les bars et dans les coulisses des théâtres. Peintre émerveillé de la vie moderne, il a été plus inquiet, plus désireux de toucher à tout que quiconque. Celui-ci s'est spécialisé dans les danseuses; celui-là a trouvé une renommée en débusquant sans relâche les filles ; mais, Toulouse-Lautrec, que n'a-t-il pas dessiné? Danseuses, filles, chevaux de courses, numéros de cirque, cabotins, voitures, etc., il a tout interprété avec une force singulière et avec un talent sans égal. Ses  tableaux, ses dessins, aujourd'hui, forment une œuvre historique, et déjà classique. Il est le peintre de toute une époque !

Ses œuvres doivent toujours « monter », comme on dit en argot de salle des ventes. Elles se classent telles que de robustes œuvres représentatives et caractéristiques. Sans doute, certains autres peintres auront également voix au chapitre quand il s'agira d'établir le bilan pictural de notre temps; mais, parmi les peintres de mœurs, qui sera comparable à Toulouse Lautrec ?
La nature, qui le supplicia physiquement, le doua, en revanche, des plus enviables qualités morales. Il était généreux, sans calcul; et tout le passionnait. C'est pourquoi il a fait, par exemple, de simples portraits d'enfants, exécutés avec une conscience infinie. Il n'eût pas mieux travaillé, ma foi! Pour le roi de Prusse ou pour un milliardaire d'outre-Atlantique. Je sais bien, certes, que ses modèles habituels, les filles, trouvèrent d'emblée la plus large place dans son cœur. Et cela et tout le reste est si visible qu'il serait vain d'expliquer ici, selon le mode habituel, les œuvres de Henri Toulouse-Lautrec. Les considérer, les comprendre soi-même, avec sa propre tournure d'esprit cela est préférable. Ses peintures sont, d'ailleurs, si éloquentes, d'un dessin si personnel, Si fortement significatif, que tous les artifices d'écriture, pour les commenter prolixement, sont négligeables. Il n'y a pas, ici, des anecdotes historiques à raconter, des rébus à expliquer : — c'est de la vie transposée par un véritable maître, beaucoup de vie, toute la vie. Il suffit de regarder, de méditer ; et l'on comprend comment Toulouse-Lautrec est haut parmi les plus hauts.

Le Moulin-Rouge, qui succédait au Bal de la Reine Blanche, allait être réservé à la glorification du peintre Henri Toulouse-Lautrec.

Entré là, il allait trouver toutes les tares physiques parmi ces hommes et parmi ces filles. Les bals achalandés ne sont pas des haras. Aucune sélection n'y est imposée. Aussi, lui, il y évoluerait également à l'aise; et n'y ayant point motif d'être taciturne, il pourrait songer à de claires œuvres expressives et neuves.

Elle date de cette époque l'idée que Montmartre est de tout Paris, le seul endroit où l'on s'amuse. Il n'y avait alors cependant aucun de ces restaurants de nuit qui, aujourd'hui, flambent de toute la sottise des viveurs. Roybet, en effet, s'essayait à peindre là où se trouve maintenant l'Abbaye de Thélème; et Puvis de Chavannes et Renner, devant la vasque Pigalle, restaient cloîtrés dans leurs ateliers silencieux. Il n'y avait non plus aucune de ces niaises attractions qui du Ciel tombent au Néant. Bruant et le Moulin-Rouge sur le boulevard, c'était tout et c'était assez.

Zidler, au Moulin-Rouge, s'était révélé tel qu'un prestigieux organisateur. On célébrait sa salle de bal, édifiée comme une gare norvégienne et pavoisée d'oriflammes multicolores. Mais quel bal qui emportait tout !

Et un orchestre ravageur et tapageur ! Et surtout les trois insignes vedettes, le triomphal gala des jambes : Valentin le désossé, la Goulue et la Mélinite!

Ah! Ces curieuses et épileptiques sauterelles ! Quel extravagant trio ! Au demeurant, ce Valentin le désossé était un pacifique roquentin qui, le soir, se transformait en un prodigieux danseur. Grand, maigre à s'enrouler autour (l'un bec de gaz, n'ayant pas d'âge : trente-cinq ou tout aussi bien cinquante-cinq ans, rasé, étriqué et monté certainement sur ressorts, il avait des jambes et des bras qui défiaient la caricature elle-même. Il tenait de la sarigue et du singe ; et quelle trompe ! Mais ce dégingandé valsait vraiment avec une cadence et un rythme incroyables. Ses longs pieds tournaient, remontés, toujours dans le même angle. Ses pieds étaient d'inouïs automates. Aussi, comme on l'admirait!! Il était l'Empereur de la valse et du quadrille; il érigeait, sous la lumière des globes, la couronne d'Austerlitz !

Il avait deux rivales : la Goulue et la Mélinite.

La première était une fille étrange, à la face d'empeigne, au profil d'oiseau de proie, à la bouche torve, aux yeux durs. Elle dansait sèchement, avec des gestes nets. On racontait toutes sortes d'histoires sur son Compte. Aussi, quelle cohue autour de ses ébats, quand, retenant à pleins poings son linge, elle pirouettait, une jambe à la hauteur de son nez !

La Mélinite, on l'appelait aussi Jane Avril, c'était tout un contraste. Car, elle se présentait, celle-ci, gracile et souple. Délicate et amenuisée même, son visage, pincé et doux, faisait songer à une souris. Elle était si invraisemblablement maigre et déliée qu'elle pouvait se ployer jusqu'à balayer de ses épaules le parquet.

Tous les soirs, ces trois étoiles achalandaient le bal. Au quadrille, on les entourait — un danseur faisant le quatrième et on les reniflait.

Quelle foule exceptionnelle comme fumier humain! Une brume flottait et noyait les visages. On ne voyait bientôt plus que le blanc des linges. Des habitués, haletants, ne bougeaient plus. Les danseuses s'évertuaient à s'asseoir en arc, à décrocher les globes ou à jeter sur leur croupe offerte le paquet de leurs dessous. Et la cage s'emplissait toujours; bientôt elle fumait.
Quand on arrivait là-dedans de sang-froid, on restait figé, les joues moites. C'était dévorant et c'était unique. Pour exprimer cela, picturalement, on devinait la nécessité d'un apport spécial : un dessin fourrageur et des couleurs de fosse. Toulouse-Lautrec vint avec tout cela.

Et il fit ces tableaux de bal dans tout leur excessif intérêt. C'est qu'il en attendait la révélation, assis et méditant, devant une table qui lui était réservée, et au milieu des danseuses et des danseurs. Car il ne les oublia point, non plus, ces jeunes Oscars qui avaient pour tâche de battre des ailes de pigeon pendant les repos de la Goulue et de la Mélinite. Et vous les apercevez, en nombre, ces greluchons, dans toutes les œuvres de ce moment-là, avec leurs faces si caractéristiques sous la cape-melon ou sous le bas haut-de-forme, aux ailes en rebord de pot-de-chambre.

 

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Source Les indépendants 1884-1920 par Gustave COQUIOT - Librairie OLLENDORFF

 

Henri TOULOUSE-LAUTREC - (1864-1901) - le peintre

(téléchargement d'une vidéo sur AUVERS SUR OISE)

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