Edouard MANET, de tous ces jeunes disciples, l’ami le plus intime de Manet était incontestablement Claude Monet, futur chef de file de l’impressionnisme.
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Edouard MANET - (1832-1883) - Dans l'atelier de Couture.
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Edouard MANET dans l'atelier de Couture, au moment où, vers 1850, Manet entrait dans son atelier, il était un artiste renommé.
Dans l'atelier de couture.
Personne comme peintre n'a plus étudié que Edouard Manet pour acquérir le métier. On comprend donc qu'enfin entré dans un atelier, il se soit mis à travailler et qu'il ait, au commencement, cherché à utiliser l'enseignement à y recevoir. Mais doué d'un tempérament personnel, soumis à ce travail des natures originales qui cherchent à s'ouvrir leur voie, l'effort même auquel il se livrait pour dégager son talent ne pouvait manquer d'en faire un élève fort peu soumis et en heurt continuel avec son maître, car ils étaient tous les deux de caractères fort différents. M. Antonin Proust, qui après avoir été l'ami de Edouard Manet au collège Rollin était devenu son camarade d'atelier chez Couture, a raconté dans la Revue Blanche les rapports entre le maître et l'élève, qui ne sont qu'une longue suite de heurts, de fâcheries suivies de raccommodements, mais qui, venant d'une divergence fondamentale, ne pouvaient manquer de se reproduire jusqu'à la brouille définitive. En effet, le jeune homme que Couture avait reçu dans son atelier était destiné, plus que tout autre, à saper l'art, fait de traditions, dont il était un des apôtres. C'était le loup auquel, en prenant Edouard Manet, il avait ouvert les portes de la bergerie. Les deux hommes ne pouvaient donc éviter la rupture irrémédiable, puisque ce que l'un défendait, l'autre d'instinct le combattait et, à mesure que son jugement se fortifierait et prendrait conscience de soi, devait s'appliquer à le détruire. Couture, au moment où, vers 1850, Edouard Manet entrait dans son atelier, était un artiste renommé. Il tenait une place parmi les maîtres de la peinture d'histoire. considérée alors comme formant l'essence de ce qu'on appelait le grand art. Son esthétique était faire du respect de certaines traditions, du culte de règles fixes et de l'observance de procédé transmis. Il croyait, avec la majorité des artistes de son temps, en l'excellence d'un idéal fixe, opposé à ce que l'on appelait avec horreur le réalisme. Certains sujets seuls étaient alors crus dignes de l'art ; les scènes de l'antiquité, la représentation des Grecs et des Romains jouissaient des préférences, comme nobles par elles-mêmes ; les hommes du temps présent, avec leurs redingotes et leurs vêtements usuels, étaient au contraire à fuir, comme n'offrant que des motifs réalistes, anti-artistiques ; les sujets religieux faisaient encore partie du grand art, cependant le nu en était avant tout et principium et fons ; puis, à un rang moins élevé mais encore acceptable, venaient les compositions tirées des pays de l'imagination entourait d'un prestige supérieur, l'Orient par exemple ; un paysage d'Egypte était par lui-même digne de l'art, un artiste épris et l'idéal pouvait peindre les sables du désert, mais il fût tombé dans le réalisme, et se fût abaissé, en peignant un pâturage de Normandie, avec des vaches dans les traditions de ce grand art. Il s'était mis surtout en vue par un tableau d'énormes dimensions, exposé au Salon de 1847, où il avait obtenu un succès éclatant : les Romains de la décadence. Le tableau est au Louvre ; en l'étudiant, on peut se rendre compte de ce que valait ce grand art, tel que Couture et les contemporains le cultivaient.
Les Romains de la décadence! Voilà certes un sujet qui prête à l'imagination et peut exercer la pensée. Mais Couture n'a conçu la décadence romaine, qui a été en réalité la transformation d'une société passant d'un état à un autre, que sous la forme d'un affaiblissement physique. Ses Romains de la décadence sont des êtres étoilés, des demi-eunuques pâles, consumés par l'orgie. Acceptons après tout cette donnée, un artiste n'est obligé de se rendre un compte philosophique de l'histoire. Cependant, ce que nous ne pouvons lui passer, ce qui nous empêche d'admirer son œuvre, c'est que ses Romains ne sont en aucune façon des hommes antiques, soit qu'on veuille rétablir, par l'étude précise des monuments figurés, le type exact des vieux Romains, soit que, par la puissance de l'imagination, on cherche à évoquer, pour représenter l'antiquité, des formes différentes de celles de notre temps.
Nicolas Poussin s'est livré, lui, à un travail de ce genre dans son Enlèvement des Sabines. Il a réalisé une évocation du passé, il a crée des hommes d'une certaine manière d'être, qui ne sont peut-être pas tels que l'étaient les vrais Romains primitifs, pourtant qui sont dus à une conception originale et nous transportent dans un monde imaginé différent du nôtre. Mais les Romains de Couture n'offrent rien de semblable, ils ne révèlent aucun travail de reconstitution, ce sont des hommes très modernes, de simples modèles, que l'artiste a fait poser et dont il reproduit les traits, sans pouvoir les transformer. Et alors ils sont disposés selon les préceptes légués et les conventions acceptées ; un groupe central en pleine lumière, puis des groupes accessoires à droite et à gauche, tel personnage s'équilibrant avec son pendant ou l'un faisant repoussoir à l'autre, les ombres et les lumières factices et artificielles. Aucun lien ne tient les personnages ensemble dans une action commune, ils restent séparés, on sent l'effort qui les a posés à côté les uns des autres. Nulle émotion ne se dégage donc de cette toile immense.
Si on retourne à l'Enlèvement des Sabines, on voit au contraire que Poussin a su faire concourir chaque être à un effet d'ensemble. La foule en mouvement remue tout d'un souffle ; aussi la vie, l'intérêt, la terreur, naissent-ils de l'action. Les personnages petits linéairement donnent une vraie sensation de force et d'ampleur, qui manque aux êtres dont Couture a vraiment agrandi les proportions.
C'est-à-dire que pour faire de la vraie peinture d'histoire, il faut être d'un certain temps, que pour recréer effectivement l'antiquité, il faut vivre, comme au XVIIe siècle, à une époque où la pensé se meut naturellement dans une sphère de traditions littéraires et, par surcroît, avoir du génie, comme Nicolas Poussin. Mais lorsque, toutes les conditions changées, on veut perpétuer l'invention initiale, par des procédés d'école, on n'obtient que des œuvres pauvres, où manquent le souffle et la vie. Tout l'effort de Couture n'a pu le mener au but. Sa toile, dans son genre, est évidemment meilleure que d'autres. Il a fallu après tout du talent pour agencer, même imparfaitement, une aussi vaste composition, l'homme qui l'a exécutée y montre, on ne saurait le nier, certaines qualités de peintre. Mais toute la sueur et toute la peine n'ont pu réaliser, en dehors du temps voulu et en l'absence du génie évocateur, la vision recherchée du monde antique. L'art fait de traditions dont Couture était un des coryphées était arrivé de son temps à la décrépitude ; l'étude de ses œuvres et de celles des contemporains révèle son épuisement. Au moment où Edouard Manet apparaissait, il y avait donc conflit entre les artistes en renom, obstinés à continuer une tradition épuisée, et ces élèves cherchant inconsciemment la vie et aspirant à créer des formes d'art, appropriées aux besoins nouveaux. Couture était de ceux qui voulaient maintenir indéfiniment les formules du passé, Edouard Manet était au premier rang des jeunes, travaillés par l'esprit novateur. Les heurts et les froissements survenus entre le maître et l'élève n'étaient donc que la manifestation, sous forme do conflit personnel, de la lutte plus profonde qui s'engageait entre des formes de pensée dissemblables et des conceptions d'art antagonistes.
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Théodore Duret - (1838-1929)
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MANET par Théodore DURET - Eugène FASQUELLE, Editeur Paris - 1906
Edouard MANET - (1832-1883)
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